Photographier le mont Blanc à 360ºC
Du jeudi 12 janvier 2022 au jeudi 9 mars 2022, retrouvez plusieurs photos panoramiques du mont Blanc réalisées lors d’une commande de la mairie de Saint-Gervais en vue d’une visite virtuelle du massif.
La décision de réaliser la visite virtuelle de l’ascension du mont Blanc par la Voie Royale fut prise avec Jean-Marc Peillex (Maire de Saint-Gervais) et Didier Josèphe (Directeur de l’Office de Tourisme) au mois de janvier 2018 pour des prises de vues au cours de l’été suivant. Il n’est pas indispensable de pratiquer l’alpinisme pour éprouver les plaisirs de la montagne. Les alpages sont un terrain réjouissant à fréquenter pour le promeneur contemplatif ou pour le sportif en quête de performances. Cette visite virtuelle leur permettra de s’immerger dans la Voie Royale d’accès au mont Blanc. Et si elle devait décourager de futurs ascensionnistes mal renseignés qui pensent que cette voie est une randonnée dans la neige, alors son but serait totalement atteint.
Je quittai cette réunion avec une certaine appréhension : je devrai monter plusieurs fois au mont Blanc avec du matériel lourd ! Les cinq mois qui suivirent furent consacrés à ma préparation physique.
Préparation physique intense
J’ai organisé cette équipée avec mon compagnon de cordée, Christophe Delachat. Nous étions déjà ensemble au sommet du mont Blanc en 1987. Depuis, nous avons partagé quelques aventures dans ce massif. Christophe est guide de haute montagne à la Compagnie des Guides de Saint-Gervais. Il a gravi le mont Blanc plusieurs centaines de fois, est l’auteur de premières dans les Andes et l’Himalaya. Il sera responsable de la sécurité de la cordée. Christophe est également réalisateur de films de montagne. Il connaît les contraintes liées aux prises de vues. Il accepte d’attendre une belle lumière, même en dehors des horaires habituels, de s’écarter de l’itinéraire classique pour des raisons de cadrage, de patienter plusieurs jours dans la vallée quand les nuages empêchent de bonnes photos…
Retrouvez ici l’ascension virtuelle du mont Blanc comme si vous y étiez !
Le matériel de prises de vues, lourd et encombrant ne pouvait se répartir dans deux sacs à dos. Jocelyn Delachat, frère de Christophe sera le troisième alpiniste. Jocelyn est un compagnon de cordée très agréable et a un sens aigu de la météo en montagne. Son aide fut précieuse.
J’ai bénéficié d’une grande confiance de Saint-Gervais pour la réalisation de cette commande. Ma liberté fut totale pour l’organisation, la logistique, l’itinéraire, le nombre d’ascensions, le nombre de photographies 360 à réaliser, leur emplacement et le montage de la visite virtuelle. Ce travail de précision a été effectué avec une stricte économie de moyens. Juste une cordée de trois alpinistes, aucun héliportage, aucune caravane de porteurs. À l’heure où des solutions lourdes sont souvent mises en œuvre pour les réalisations audiovisuelles, à l’heure où la folie des réseaux sociaux pousse à toutes les excentricités en montagne, j’ai la satisfaction de n’avoir laissé sur les pentes du mont Blanc que la griffure de nos crampons dans la neige.
Grâce à la connaissance de l’itinéraire, à l’étude des cartes et à la collaboration de Christophe, j’avais prévu, au cours du printemps 2018, les points de vue intéressants à photographier. C’est bien de prévoir, cela permet de rêver à l’aventure qui se profile. Mais dans un milieu naturel changeant l’improvisation et l’adaptation aux conditions de la montagne sont importantes pour ne pas se laisser surprendre par une lumière inattendue.
Secrets de réalisation de photographies en 360º
La réalisation de ces prises de vues nécessite une grande précision. Chaque image à 360° est un assemblage de 8 à 24 photographies. L’appareil doit tourner de quelques degrés entre chaque déclenchement jusqu’à réaliser un tour complet. Pour qu’aucun décalage ne soit perceptible, ces rotations s’effectuent sur des rotules réglées au degré et au millimètre près. Le tout est calé avec un niveau à bulle et un fil à plomb. J’avais emmené un mât télescopique. Replié il est à peine plus grand qu’un bâton de marche. Il me permit de monter l’appareil photo jusqu’à sept mètres de hauteur. J’ai utilisé cette technique en particulier sur l’Arête des Bosses. Son étroitesse interdit l’installation d’un trépied. Il nous est arrivé de tailler une plateforme avec nos piolets, juste en aval du faîte de l’arête, versant Italien, et de hisser l’appareil au-dessus de celle-ci. Ce sont des opérations minutieuses répétées des centaines de fois dans des musées, des églises, des châteaux ou des hôtels. En altitude, sur un terrain instable et escarpé, dans le froid et le vent, les doigts gelés, fatigué, tenaillé par la soif ou la faim, ces réglages exigent une tout autre lucidité. Mes compagnons de cordée et moi-même nous retrouvions parfois dans des positions scabreuses pour n’apparaître sur aucune photo. Le matériel de montagne et les sacs à dos étaient déplacés entre chaque prise de vues. Nous devions contourner l’appareil photo sans le faire bouger d’un millimètre dans des endroits exigus, encordés et crampons aux pieds. Une vingtaine de minutes étaient nécessaires à la réalisation de chaque photographie panoramique.
Une centaine de photographies à 360° ont été prises sur cette voie d’ascension, une trentaine ont été retenues dans la visite virtuelle et sept d’entre elles vous sont présentées dans cette exposition.
Exposition ouverte au public du jeudi 12 janvier 2022 au jeudi 9 mars 2022
à l’Institut français de Barcelone, Carrer de Moià, 8.
Vernissage le mercredi 11 janvier à partir de 19:00
La progression lente dans ce terrain de montagne et la rudesse de l’effort favorisent une certaine exigence dans le choix des points de vue et des réglages capables de restituer, sur la même image, la puissance du soleil sur la glace et le froid sinistre du rocher dans l’ombre.
À la différence de la pratique actuelle de la photographie, le résultat ne peut se voir immédiatement. Je ne peux que l’imaginer. J’aime retrouver cette attente qui me rappelle mes débuts en photographie argentique. Beaucoup d’opérations sont nécessaires avant de visualiser l’image finale. Le temps écoulé entre les prises de vues et leurs traitements est propice à la réflexion : ces images pourraient-elles traduire les sentiments qui m’animaient au moment de la prise de vue ? Elles prendraient toute leur importance et peut-être à elles seules justifieraient-t-elles l’ascension. N’est-ce pas plus important qu’une description purement topographique d’un itinéraire ?
Si une personne attentive est touchée par ces images, ou ressent un peu de l’émotion qui fut la mienne face au spectacle que nous offre la montagne, ma démarche ne sera pas restée vaine.
Ce travail fut un défi physique et technique. Ce fut aussi une belle aventure humaine.
La marque historique d’appareils photo Leica était partenaire de cette entreprise.
Salons et récompenses
Ces photographies ont été présentées à l’occasion du cinquantième anniversaire des Rencontres d’Arles en juillet 2019 et étaient l’objet d’une conférence aux Rencontres d’Arles 2022.
Certaines de ces photos ont été primées aux Epson International Pano Awards en 2020 et en 2022.